Armand Gatti
Naissance à Monaco en 1924
En 1941 , il est exclu du petit séminaire et rentre en première au lycée de Monaco. Il écrit une épopée signée Lermontov où il se moque de ses professeurs, ce qui entraîne son exclusion le 14 juin.
En 1943, il est arrêté à Tarnac, emprisonné à Tulle, puis transféré à Bordeaux où il est travailleur forcé à la construction de la base sous-marine. Transféré à Hambourg, à l’entreprise Lindemann, il s’en évade et rejoint en Corrèze l’un des nombreux maquis dépendant de Georges Guingouin. Il participe à la libération de Limoges.
En 1944 et 1945, il est parachutiste à Londres dans le Special Air Service (SAS) . Il est démobilisé le 1er novembre 1945.
Il entre en janvier 1946 au Parisien libéré comme rédacteur stagiaire. Entre 1946 et 1947, il y rencontre celui qui sera son ami de toujours, Pierre Joffroy.
Nommé, le 1er janvier 1949, rédacteur au Parisien libéré, il y devient la même année reporter, statut qu’il gardera jusqu’à son départ du journal, en 1956.
En 1950 et 1951, il réalise des reportages souvent cosignés avec Pierre Joffroy sur des sujets variés : spiritisme, justice, pauvreté, collaboration, exploitation de la main-d’œuvre en Martinique, … Fin 1951, il part pour l’Algérie où il rencontre Kateb Yacine.
En 1953, Armand Gatti assiste au procès d’Oradour-sur-Glane. « La Justice militaire », article publié dans Esprit, dénonce l’acquittement d’un capitaine de gendarmerie « coupable d’avoir fait passer de vie à trépas quelques maquisards ».
En 1954, il apprend le métier de dompteur pour réaliser l’enquête « Envoyé spécial dans la cage aux fauves » qui lui vaut le Prix Albert-Londres. Devenu grand reporter, il voyage en Amérique latine (Costa Rica, Salvador, Nicaragua).
En 1955, il entre à Paris Match. Passant par la Russie, la Sibérie et la Mongolie, il part pour trois mois en Chine avec Chris Marker, Michel Leiris, Jean Lurçat, Paul Ricœur et René Dumont. À la découverte du théâtre chinois – et tout particulièrement de Kouan Han Shin, auteur du XIVe siècle – il rencontre Mei Lan Fang, prodigieux comédien de l’opéra de Pékin, et retrouve son ami Wang, connu à Paris à la fin des années 1940, qui l’introduit auprès de Mao Tsé-Toung. Il revient par le Transsibérien.
En 1959, il obtient le prix Fénéon de littérature pour le Poisson noir, écrit l’année précédente. Jean Vilar monte Le Crapaud-Buffle au Théâtre Récamier, Petit TNP.
En 1960, il réalise en Yougoslavie son premier film, L’Enclos, dont il a écrit le scénario et les dialogues avec Pierre Joffroy.
En 1961 , L’Enclos est présenté dans plusieurs festivals où il obtient des prix : à Cannes, celui de la Critique ; à Moscou, où il rencontre Nazim Hikmet, celui de la mise en scène ; à Mannheim, où il reçoit une Mention spéciale hors concours.
En 1969, il s’installe à Berlin-Ouest, invité à la fois par le Sénat et l’université où il a de nombreux amis. Il travaille auparavant à Stuttgart pour réaliser son troisième film, Ubergang über den Ebro (Le Passage de l’Èbre), produit par la télévision ZDF – puis à Kassel, où il réécrit La Naissance, qu’il met en scène au Staatstheater. La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G. est jouée au Piccolo Teatro de Milan, dirigé par Paolo Grassi, qui invite à la première la mère d’Armand Gatti, l’épouse du défunt Auguste.
En 1974, Gatti rentre en France. Il finit d’écrire Quatre schizophrénies à la recherche d’un pays dont l’existence est contestée. Vu le succès de la lecture de Rosa Collective, Lucien Attoun l’invite au XXVIIIe festival d’Avignon, à la chapelle des Pénitents blancs, pour une nouvelle expérience : La Tribu des Carcana en guerre contre quoi ?
En 1981 , il s’installe en Irlande du Nord (Derry) dès janvier, pour préparer le tournage d’un film. Nous étions tous des noms d’arbres est coproduit par la télévision belge et une société irlandaise spécialement créée par la communauté des habitants de Derry et la société de production des frères Dardenne. Ce film sera récompensé à Cannes, en 1982, avec l’attribution du prix Jean Delmas et à Londres, avec l’attribution du meilleur film de l’année.
1986 à 1988 : créations et mises en scène au Canada et aux Etats unis.
En 1988, le ministre de la Culture, Jack Lang, lui remet le Grand Prix national du théâtre. Invité à l’université de Rochester (État de New York), il y adapte Les Sept Possibilités du train 713 en partance d’Auschwitz, au contexte social américain. De retour à Toulouse, il travaille sur la Révolution française et crée avec le quatrième stage du Crafi Nous, Révolution aux bras nus.
En 1989, Gatti célèbre le bicentenaire de la Révolution française en créant Les Combats du jour et de la nuit à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis avec douze détenus. Un colloque international «Salut Armand Gatti » est organisé par l’université Paris-VIII par Michelle Kokosowski et Philippe Tancelin. Il reçoit à Asti le prix Alfieri, récompensant « un grand poète français d’origine italienne ».
En 1994 et 1995, Jean Hurstel l’invite sur ses terres. Avec quatre-vingts stagiaires, il va créer à
Strasbourg Kepler, le langage nécessaire, annoncé comme un work in progress sous le titre révélateur de son état d’esprit : Nous avons l’art afin de ne pas mourir de la vérité. F. Nietzsche. Cette expérience sera très fructueuse en rencontres avec des scientifiques : Agnès Acker, Francis Bailly, Jean-Marie Brom, Guy Chouraqui, Baudouin Jurdant et Isabelle Stengers. C’est le début de la saga de La Traversée des langages, marquée par sa découverte de la théorie quantique et de Jean Cavaillès.
En 1996 et 1997, L’Enfant-Rat est créé à Limoges, au Festival des francophonies, mise en scène de Hélène Châtelain. Gatti crée aussi L’Inconnu n° 5 du fossé des fusillés du Pentagone d’Arras, à Sarcelles.
En 1999 est publié « La parole errante » (ed. Verdier), recueil de plus de 1700 pages : » Au moment où l’écriture du livre (re)commence, la scène est donc en place. Comme un dispositif dramaturgique. Avec ses rôles. Ses positions. Ses espaces.
Il y a les mots. Les phrases. Les chapitres. Ceux des tentatives précédentes. Ceux de deux manuscrits autrefois perdus, abandonnés (l’un, pendant la guerre, mangé par un mouton ; l’autre après la guerre, emporté par une crue de la Seine). Ceux des pièces écrites, des films réalisés, des livres lus, relus, mots complices de Michaux, Joyce, Tchouang-tseu, Walter Benjamin, et bien d’autres.
Il y a les événements. Ceux du siècle. Ceux que l’histoire a retenus et ceux qu’elle a écartés. Tous ces gestes d’hommes, d’animaux et d’étoiles qu’une même lumière semble avoir attirés : la révolution ?
Il y a les différentes existences de celui qui s’assoit à la table. Existences vécues. Imaginées. Chacune estampillée d’un numéro de matricule (le matricule, depuis les camps de concentration, c’est la signature du siècle). » (extrait de la préface de Michel Séonnet)
En 2000, au Théâtre universitaire de Besançon, animé par Lucile Garbagnati, il participe au colloque « Temps scientifique et Temps théâtral », où il lit Incertitudes de la mécanique quantique devenant chant des oiseaux du Graal pour l’entrée des groupes de Galois dans le langage dramatique. A Lagrasse, le banquet du livre est consacré à Gatti et à son ouvrage « La Parole errante ».
En 2004-2005, Armand Gatti est fait commandeur des Arts et Lettres et reçoit le prix du Théâtre de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).
En 2006, il lit le poème les Cinq noms de résistance de Georges Guingouin, dans la Forêt de la Berbeyrolle, sur la commune de Tarnac, en Corrèze.
En 2010, à l’issue de sa deuxième résidence dans le Limousin, il crée Science et Résistance battant des ailes pour donner aux femmes en noir de Tarnac un destin d’oiseau des altitudes, avec trente étudiants français et étrangers, au gymnase du lycée forestier de Neuvic.
En 2012 est publié « La Traversée des Langages » (ed; Verdier), recueil de 19 pièces de théâtre où « S’invente alors un théâtre où les incertitudes du langage de l’univers, révélées par les sciences du xxe siècle, l’irréductible mystère de la nature et de l’homme, s’élèvent contre toutes les formes d’oppression rationaliste du monde spectaculaire et marchand » (op.cit.)
Pour Armand Gatti, prise dans la tempête de l’histoire, la résistance est toujours victorieuse tant que dure le combat. Son utopie théâtrale est à la fois champ de bataille et chant d’espoir.
En 2013, Armand Gatti lit à Limoges et à St Etienne Révolution culturelle, nous voilà ! Il reçoit le Prix du Théâtre de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
Il meurt le 6 avril 2017 à l’hôpital d’instruction des armées Bégin à Saint-Mandé.