nato : Armand Gatti, mille sources en deux temps
Nous étions tous des noms d’arbres, tel était le titre d’un film réalisé par Armand Gatti en 1982. Les arbres, Armand Gatti les a aimés jusqu’à les conjoindre avec les êtres, à les vivre dans leur observation, à les associer à sa quête de langage qui caractérise son œuvre ébouriffante, voyage fécond serait un meilleur mot. Poète, écrivain, metteur en scène de théâtre et de cinéma, journaliste, Gatti fut aussi résistant lorsqu’il rejoint le maquis de Corrèze, la forêt de la Berbeyrolle à Tarnac. Il connaît la prison, le travail forcé, l’évasion, le retour au maquis limousin de Georges Guingouin avant de gagner Londres et les parachutistes du Special Air Service. Sa grande aventure est celle du langage, sa capacité à agir sur le devenir des êtres, leur présent et même leur passé, à rendre la vie multiple. « Tout a commencé ici, à Tarnac. La forêt de la Berbeyrolle est le premier maquis de France » confiait-il en octobre 2014. Les complémentarités fourmillent au pays des arbres et par d’autres routes, d’autres mots, d’autres pertinences, Tarnac demeure aujourd’hui, en belle lumière, lieu de fraternité, une marque sur la carte. La géographie a son éloquence. Inscrire d’une pierre l’endroit où, parmi les arbres, se forge une des grandes œuvres littéraires du XXe siècle est une évidence. Une œuvre littéraire qui ne se contente pas de mots, mais les porte à vie.
C’est la musique de ces mots, leur écorce, leur sève qui a inspiré le musicien Tony Hymas pour composer une musique rejoignant Les cinq noms de résistance de Georges Guingouin, poème écrit par Armand Gatti en 2005 après la disparition du fameux maquisard. Plus qu’une mise en musique, il s’agit d’une perspective musicale à partir d’un poème qui parcourt tout le XXe siècle, en saisit tous les reliefs bordés par les arbres. Dans les années d’après-guerre (comme on dit), Armand Gatti défend impétueusement la nouvelle musique (celle de Pierre Boulez avec qui il crée, ou celles de John Cage ou Morton Feldman). Les musiques populaires reprendront l’espace.
À Limoges le 28 novembre 2015, Armand Gatti assiste, heureux, à l’intégrale de la version musicale des Cinq noms de résistance de Georges Guingoin. « Je suis aussi, je suis surtout quelqu’un qui doute. De tout. Sauf de mon amour pour les animaux et les hommes et les arbres ». Sous le regard des arbres : une pierre, une suite musicale, pour saluer celui qui sut offrir la connaissance du monde sur un plateau de mille sources.
Jean Rochard (nato)
Affiche : Rémy Penard